22 janvier
Je me suis levée fatiguée ce matin. La pluie tombait sur Anchroge Bay pour la première fois depuis mon arrivée ici. Un matin gris.
La plupart des voyageurs devaient marcher, mais la température ne le permettant pas ; plusieurs restèrent à bord attendant le bateau taxi.
Les manœuvres débutèrent.
N’étant pas ancré au meilleur endroit dans la baie, Chris décida d’ancrer l’arrière du bateau. À double ancre, le bateau serait plus stable et aurait plus de chance de résister à la tempête qui arrivait.
Il installa d’abord une corde entre le bateau et une autre corde reliée à une plate-forme souterraine. Puis, il poussa le Cat-a-Rac dans l’angle souhaité à l’aide de son zodiaque. Sur le pont, je tirais la corde qui permettrait de maintenir le Cat-a-Rac dans l’angle. Détrempée, je tirai de tout mon corps, puis stabilisa la corde comme j’avais vu Chris le faire.
J’étais contente d’un brin d’action sans savoir ce qui nous attendait.
Première mission accomplie, mais la température n’allait en s’améliorant.
Vers 11hre, tout le monde avait quitté le bateau, je poursuivis le ménage.
La pluie tombant de plus en plus forte, le vent se mettant de la partie, il n’y avait rien d’autre à faire que de regarder un film… mon premier film depuis bien longtemps.
Sur mon ordinateur portable, installés dans la cuisine pour ne rien manquer de la météo, nous décidions de nous offrir « Rambo », le premier. 1982, alors que Sylverster Stallone était jeune, mince et portait des jeans taille haute. Je me souvenais du méchant shérif, des points de suture et des rats dans la grotte… Je devais être bien jeune la dernière fois que j’ai vu ce film.
Je sommeillai quelque peu durant ces interminables aventures, le bruit de l’ancre ou un vent plus fort, me réveillèrent parfois.
Puis, je me laissai enfin aller à une sieste profonde sur la banquette de la cuisine. Le capitaine lisant à mes côtés. La pluie était toujours aussi forte, les vents rapides.
C’est un grand « Bang ! » qui me réveilla.
Seule sur ma banquette, je jetai un œil par la fenêtre.
Le catamaran rempli de kayak se trouvait là, juste là, un peu trop là.
Avec empressement, je sortie à l’extérieur, désorientée, je ne comprenais pas se qui se passait, je me réussissais à savoir lequel des bateaux avaient dérivés, ni à nous situer par rapport à la plage.
J’étais confuse.
J’arrive difficilement à placer les événements, maintenant que la tempête est terminée.
Je crois que le premier geste que je fis, fût de pousser l’autre bateau afin d’éviter la collision, je ne sais pas si mon geste était aidant… Puis la tête de Chris apparut par la fenêtre de la cabine supérieure.
« La corde ! La corde ! » Confuse et à peine sortie de mon sommeil, je n’arrivais pas à comprendre de quelle foutue corde il était question !
« Fuck ! » Je disais. Et le pensait encore plus.
Je ne voyais que le zodiaque coincé et écrasé par l’autre bateau.
Alors que je touchai à la corde du zodiaque, j’entendis un grand « No! ».
Je compris alors qu’il était question de la corde que nous avions attachée au matin. J’entendais « rope ». J’entendais « knife ».
Je me lança donc sur la corde et entrepris de défaire le nœud. Chris apparut derrière moi, couteau à la main.
Toujours un peu confuse, je retrouvais mes esprits, tentais d’évaluer la situation, mais je compris surtout que c’est nous qui dérivions.
La corde coupée, aussitôt reparti aux commandes du bateau.
J’allai le rejoindre. Nous allions maintenant de l’avant. Dégagé de notre trop proche voisin.
Nous devions maintenant désancré et ré ancrer le bateau.
Chris installa le bateau dans l’angle du vent, et je compris bien rapidement que c’est moi qui prendrai les commandes.
Mission bien simple, tenir le bateau dans l’angle, face à un vent de 60 nœuds ;près de 100km/h.
10 secondes de pratique, car il fallait faire vite. Tourner la roue et mettre l’accélérateur s’il le fallait afin de ramener le bateau rapidement s’il s’avérait nécessaire.
« Keep going » me dit-il.
Je sacrais, en fait, je disais « Fuck » et ne respirais plus.
Tournant la roue et maniant l’accélérateur, aidée par Chris qui pointait les directions.
L’ancre à bord, Chris reprit les commandes et nous échangions les rôles.
J’allais descendre l’ancre pour la prochaine étape.
Les instructions : Tourner le freins qui retient l’ancre au signal.
Et autre conseil : ça va être difficile.
Décidément sur le pilote automatique, je courue à l’avant du bateau et j’attendis le signal, je ne me rendais même pas compte que la pluie tombait. Le corps rempli d’adrénaline, je tournai le frein sans forcer.
Malheureusement, l’ancrage ne réussit pas, nous dérivions encore.
Je repris les commandes afin de remonter l’ancre encore une fois… et Chris revint. Cette fois-ci, la situation se corsait.
Il replace le bateau dans l’angle pour une seconde fois, et je retournai au frein afin de redescendre l’ancre. Je tournai un bon coup, mais rien ne se passait… rien !
Je ne comprenais pas.
Je compris plus tard qu’un des leviers étaient enclenchés et que l’ancre ne pouvait descendre…
Il me rappela d’un signe de la main. La situation s’envenimait. Chris manoeuvrait à travers les bateaux, nous devions sortir de là.
Il décida donc de se rendre dans la baie voisine, moins populeuse afin de refaire l’opération.
Durant la courte traversée, il me demanda d’aller fermer les hublots dans la cale et me demandant d’être prudente et de revenir aussitôt le rejoindre.
L’eau entrait. Mais rien de dramatique.
Je fus saisie par une vague en pleine figure qui me rendit mes esprits, et je retournai en haut.
En route, je pensai à mille et une choses, à une veste de sauvetage, à ma mère, à une tireuse de carte qui m’avait dit que dans une autre vie j’étais morte noyée, à un cauchemar que j’ai fait qui ressemblait drôlement à cette même situation, j’essayais surtout de ne penser à rien.
Nous étions maintenant dans la baie voisine.
La mer semblait moins violente.
Mais tout de même, elle était loin d’être calme.
Et, je me réinstallai aux commandes.
Remplie d’adrénaline, ma mission devait être précise car cette fois-ci il n’était pas question de désancrer le bateau, mais de bien maintenir l’angle afin de jeter l’ancre. Et, enfin nous installions l’ancre.
Je devais maintenant, nettoyer les dégâts car dans les prochaines minutes, les premiers clients arriveraient.
Je n’arrivais pas à y croire.
Sur un pilote automatique, je me mis à la tâche.
Je ne parlais pas.
J’étais empreinte d’une émotion si forte que je ne pouvais nommer.
Je crois que j’ai eu vraiment peur, mais que je n’ai pas eu le temps de penser à la peur.
Je débutai le souper… et me servi un verre de Jack Daniel’s.
À boire s.v.p!
Je ne parlais toujours pas trop… quelques mots échangés avec Chris, lui expliquant que je n’avais pas compris ce qu’il se passait… ma confusion. Je crois même que je lui répondais en français !
J’eu comme encouragement que je réagis vraiment bien sous pression et que je m’en étais vraiment bien tirée dans le maniement de ce gros bateau qui ne se laisse pas guider aussi facilement qu’il ne le devrait.
En ouvrant le garde manger, une bouteille de vin m’éclata entre les pieds, de me voir sans réaction, regarder couler le vin, plutôt que de relever la bouteille, je compris que j’étais toujours prisonnière de cette émotion.
Je ne réagissais plus.
Dans ma journée d’aujourd’hui, j’ai appris à jeter l’ancre, à le remonter et à conduire un bateau.
Journée productive. J’ai appris sous pression. J’ai joué dans le vif du sujet.
La mer s’étant calmée, je pouvais maintenant faire légèrement la conversation avec les passagers.
Je comprenais maintenant l’expression le calme après la tempête.
À l’heure de cuire le BBQ, juste pour bien faire, le vent reprit et soufflait de derrière le BBQ, si bien qu,’il était impossible de le tenir allumer… Nous devions repartir et retourner dans Anchorage Bay, qui faisait maintenant la jolie.
La traversée fût bonne, tout alla pour le mieux, le seul dégât fut ma salade de riz sur le sol… Le souper serait sans salade pour ce soir…
Je cuis le BBQ pour la première fois ce soir, Chris étant affairé à vérifier s’il y avait des dégâts.
Pas de dommage, juste de bien grand souvenir, une bien grande émotion qui j’espère me quittera après une bonne nuit de sommeil.
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